Voilà… ça n’a pas fonctionné!

Par Sophie Makonnen

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Les revers professionnels, tels que l'échec d'un projet, une mauvaise décision ou un leadership inefficace, ont des répercussions importantes. Ces résultats décevants affectent visiblement les équipes, les partenaires et parfois des programmes ou des initiatives entiers. Nous nous demandons souvent si quelque chose aura encore de l'importance dans cinq ans. Dans ce cas, la réponse peut être oui. L'impact peut durer. Mais même si un revers fait partie de l'histoire, il ne définit pas la personne qui l'a vécu. Il devient simplement une partie de l'expérience que vous emportez avec vous, un élément parmi d'autres, plutôt que celui qui détermine qui vous êtes.

Ce type de résultat sont déstabilisants non seulement en raison de leur issue, mais aussi en raison de l'écart entre l'intention et le résultat. Vous avez agi avec prudence, fait preuve de bon sens et pris en compte les risques, mais le résultat n'a pas répondu aux attentes.

Leur impact peut vous accompagner pendant un certain temps, influençant la façon dont vous évaluez les risques, abordez les décisions futures et relevez de nouveaux défis. Cela fait simplement partie du leadership dans des systèmes complexes, où les échecs peuvent avoir des effets qui dépassent le moment présent.

C'est le cadre de ce blogue. Il ne s’agit ni de reprise, ni de réinvention. Il ne s’agit pas non plus des leçons apprises (même si celles-ci ont leur place). Mais selon mon expérience, il est nécessaire de clarifier ce qui se passe avant de passer à la réinvention ou de tirer des leçons.

Pourquoi ces revers sont-ils ressentis comme personnels ?

Les échecs ont un impact non seulement sur les résultats professionnels, mais aussi sur le sens des responsabilités, le jugement et l'engagement d'un individu. Si les conséquences sont professionnelles, les réactions sont souvent personnelles, car ces résultats décevants remettent directement en cause les qualités appréciées par professionnel·les consciencieux·ses. Prendre son travail au sérieux signifie que les revers sont ressentis comme personnels et pas seulement professionnels. Lorsque vous réfléchissez, vous préparez et vous anticipez, les erreurs importantes touchent la partie de vous-même qui apprécie la prise de décision judicieuse et le leadership constant. Même si elles sont influencées par le contexte, le moment ou les contraintes, ces erreurs peuvent miner votre sentiment de compétence.

La visibilité joue également un rôle. Dans de nombreux postes, en particulier pour les leaders émergent·es et les femmes issues de la majorité globale, la marge d'erreur semble souvent plus étroite. La préoccupation passe de « j'ai fait une erreur » à « cela va-t-il affecter la façon dont les autres perçoivent mes capacités ? ». Que cela soit juste ou non, cela ajoute une pression supplémentaire.

Un engagement profond intensifie le coût émotionnel d'un travail qui n'a pas atteint ses objectifs. Les personnes qui se soucient de leur travail, de leurs équipes et des parties prenantes en ressentent fortement les conséquences. Lorsque quelque chose en quoi vous croyiez s'effondre, vous pouvez avoir l'impression d'avoir laissé tomber les autres, même si les facteurs étaient bien au-delà de votre contrôle.

Les choses qui n’ont tout simplement pas fonctionné sont ressenties comme personnelles, non pas parce que vous êtes fragile, mais parce que vous vous êtes investi·e : ce travail est important pour vous.

Les revers comportent deux dimensions : l'événement et l'interprétation

Un revers important comporte toujours deux dimensions. Le premier est l'événement lui-même : ce qui s'est passé, ce qui ne s'est pas passé et le résultat concret qui en a découlé. Cette partie est généralement claire. Un projet échoue. Une décision entraîne des conséquences imprévues. Une initiative est bloquée. Les faits ne sont pas remis en question.

La deuxième dimension est l'interprétation qui se forme autour de l'événement. Cette dimension est moins visible, mais souvent plus déterminante. Il s'agit de l'ensemble des conclusions que vous formulez sur votre jugement, vos compétences ou votre capacité à diriger dans des situations similaires. C'est le récit silencieux qui commence à prendre forme lorsque vous repensez aux décisions que vous avez prises, aux informations dont vous disposiez et aux mesures que vous avez prises.

Cette interprétation n'est pas neutre. Elle est influencée par les attentes, les normes que vous vous imposez et la pression que ressentent nombreux·ses professionnel·les pour obtenir des résultats constants, même lorsque les conditions sont complexes. Sans vous en rendre compte, vous pouvez commencer à considérer l'échec non seulement comme quelque chose qui s'est produit dans le cadre du travail, mais aussi comme quelque chose qui vous concerne directement.

Il est essentiel de distinguer l'événement de l'interprétation. L'un appartient aux faits qui se sont produits. L'autre appartient à la signification que vous lui attribuez. Le fait de séparer ces deux dimensions permet de clarifier les choses et empêche qu'un seul résultat ne remodèle toute votre perception de vos capacités.

Devinez quoi ? Vous n'êtes pas la seule personne responsable.

De tels événements résultent rarement des actions d'une seule personne. Même si vous avez dirigé le travail ou pris la décision, les résultats sont souvent influencés par des facteurs qui échappent à votre contrôle. Il est important de reconnaître ce contexte ; sans cela, les revers peuvent être interprétés à tort comme un échec personnel plutôt que comme le résultat des circonstances auxquelles vous avez été confronté·e. 

Lorsque survient une déception professionnelle, l'instinct est souvent de se remettre en question. De nombreux·ses professionnel·les pensent qu'ils auraient dû anticiper le problème ou agir différemment. Cependant, la plupart des échecs importants résultent de circonstances plus larges qui ne sont pas toujours visibles sur le moment.

Lorsque survient une déception professionnelle, l'instinct est souvent de se remettre soi-même en question. De nombreux·ses professionnel·les pensent qu'ils et elles auraient dû anticiper le problème ou agir différemment. Cependant, bien des revers résultent de circonstances plus larges qui ne sont pas toujours visibles sur le moment

Cela vaut aussi bien pour la direction d'une initiative complexe que pour la prise d'une décision simple. Par exemple, vous pouvez embaucher une personne qui semble parfaitement correspondre au profil recherché, mais qui ne l'est pas, ou investir dans une tournée de présentation qui ne suscite que peu d'intérêt en raison d’un moment mal choisi ou d'un public mal ciblé.  Il en va de même pour les projets de plus grande envergure. Vous pouvez hériter d'un projet qui ne correspond plus aux priorités actuelles ou être amené·e à fournir des résultats basés sur des hypothèses obsolètes. Même avec les meilleures informations disponibles, les initiatives peuvent être bloquées en raison de décisions externes, de changements de calendrier ou de ressources indisponibles.

Les décisions proviennent souvent de plusieurs niveaux, parfois sans coordination totale. Les informations peuvent être incomplètes, retardées ou influencées par des pressions invisibles. Les ressources et les attentes changent, et dans les environnements de travail complexes, le contexte peut évoluer plus rapidement que les plans ne peuvent s'adapter.

Reconnaître le contexte permet de retrouver une perspective et aide à éviter de mal évaluer vos capacités. Un résultat inférieur aux attentes reflète souvent des conditions plus générales, et non votre compétence. Concentrez-vous sur la compréhension du système qui a conduit à ce résultat.

Ce que vous pouvez assumer

Placer un revers professionnel dans son contexte n'est qu'une partie du processus. Vous devez également examiner précisément votre propre contribution, non pas pour accepter des reproches injustifiés, mais pour évaluer clairement votre rôle. Le leadership exige une auto-évaluation honnête, sans attitude défensive.

Commencez par les fondamentaux : quelle était votre intention ? Sur quelles informations vous êtes-vous appuyé·e ? Quelles hypothèses ont guidé votre décision ? Qu'attendiez-vous des autres, et cette attente était-elle communiquée ou réaliste ?  Ces questions vous aident à retracer votre raisonnement et à comprendre ce qui a motivé vos actions.

La clarté exige également d'examiner les éléments qui n'étaient peut-être pas aussi solides qu'ils auraient dû l'être. Votre évaluation était-elle complète ? Avez-vous évalué de manière approfondie tous les éléments pertinents, ou voyez-vous maintenant des lacunes dans votre approche de la situation ? Avez-vous agi avec des informations limitées parce que c'était tout ce dont vous disposiez, ou parce que certains aspects n'avaient pas été explorés aussi rigoureusment qu'ils auraient pu l'être ?

Élargissez votre réflexion à votre équipe et à votre processus. Aviez-vous les bonnes personnes et les compétences nécessaires ? Avez-vous consulté celles et ceux qui avaient un regard critique, ou une consultation excessive a-t-elle freiné votre élan ? Réfléchissez aux personnes et aux facteurs qui ont pu influencer le résultat.

Une vision équilibrée de votre rôle rend les événements qui ont déraillé tangibles et exploitables. Cette étape, avant de tirer des leçons, permet d'identifier ce qui était réellement sous votre influence, garantissant ainsi que les leçons futures seront pertinentes plutôt que génériques. Vous ne pouvez pas contrôler toutes les variables, mais vous pouvez clarifier votre influence sur le résultat, ce qui a fonctionné, ce qui n'a pas fonctionné et ce qui importe lorsque vous réfléchissez à l'avenir.

Il ne s'agit pas d'un exercice de confession. Il s'agit d'un exercice visant à démêler ce qui vous appartenait réellement dans le résultat.

Ne vous en voulez pas (même si vous avez commis une erreur)

Après un échec important, les réactions instinctives renforcent souvent ce qui s'est passé. Certaines personnes assument trop de responsabilités et commencent à s'excuser pour des choses qui ne leur incombaient pas. D'autres se replient sur elles-mêmes ou hésitent à s'exprimer, craignant que l'échec ait changé la façon dont les autres les perçoivent. Certaines personnes font plus d'efforts que nécessaire pour « prouver » leur crédibilité. Et d'autres refusent d'assumer toute responsabilité, ce qui est un tout autre débat.  Ces réactions sont compréhensibles, mais elles rendent plus difficile de distinguer ce qui s’est réellement produit de l’histoire que vous construisez autour de l’événement.

Une approche plus stable consiste à nommer clairement ce qui s'est passé, sans le minimiser ou l'amplifier. À partir de là, concentrez-vous sur ce qui nécessite votre attention maintenant, et non sur l'effacement ou la compensation de la situation. Communiquez brièvement et calmement si nécessaire, mais évitez de trop expliquer. L'objectif n'est pas de précipiter la reprise ou de tirer des leçons trop tôt. Il s'agit simplement d'éviter qu’un simple revers ne devienne autre chose que ce qu’il est, notamment une remise en cause de vos capacités.

Diriger après un revers visible

Certaines débâcles sont privées, tandis que d'autres sont publiques et entraînent une pression supplémentaire. Lorsqu'elles se produisent devant des collègues, des partenaires ou des parties prenantes, il est naturel de se sentir exposé ou préoccupé par leur perception. Cette section ne traite pas de la gestion des dommages ou de l'image. Il s'agit là d'un autre sujet. Ici, l'accent est mis sur la manière dont vous dirigez lorsque d'autres ont vu toute la situation se dérouler.

La visibilité publique ne nécessite pas nécessairement des réactions dramatiques ou des explications élaborées. Si cela est approprié, reconnaissez brièvement et factuellement votre rôle. Évitez les détails ou les justifications inutiles. Une reconnaissance concise démontre votre stabilité et empêche les suppositions. Communiquez suffisamment pour que les autres comprennent ce qui s'est passé et ce qui a changé. Lorsque vous parlez, orientez la conversation de manière à maintenir la clarté et à contrôler le récit.

Ensuite, concentrez-vous sur les actions actuelles. Les échecs visibles peuvent créer de l'incertitude, c'est pourquoi les gens recherchent un leadership. Il est plus efficace de proposer une prochaine étape claire, même minime, que de trop expliquer le passé. Cette approche montre que vous prenez la situation au sérieux et que vous allez de l'avant avec détermination.

Vous n'avez pas besoin de faire vos preuves ou de redorer votre image en multipliant les efforts. Une approche raisonnable et mesurée qui permet de faire avancer le travail est la plus rassurante. Même si certains continuent à vous voir à travers le prisme de l'événement indésirable, cela ne vous définit pas. Restez stable, gardez votre perspective et continuez à diriger le travail.

Garder une perspective

Les revers semblent importants lorsque vous êtes directement concerné. Ils vous touchent de près et occupent beaucoup d'espace. Mais ils ne constituent qu'une partie de votre travail et non la totalité. Souvent, dans des environnements complexes, ces situations en disent autant sur la séquence des évènements, l'alignement et le contexte que sur la personne qui prend la décision. Garder une certaine perspective ne signifie pas minimiser ce qui s'est passé. Il s'agit simplement de replacer l'événement dans un contexte plus large, afin qu'il n'éclipse pas tout le reste de votre travail. Vous avez pris une décision, elle n'a pas abouti, et le travail continue.  Et maintenant que le revers est replacé dans son contexte, vous êtes peut-être prêt·e à voir quelles leçons, s'il y en a, vous pouvez en tirer.

 

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