Construire son réseau professionnel : pourquoi c’est essentiel et comment le développer

Par Sophie Makonnen

 

Il est fréquent d’entendre dire que le travail en réseau est précieux pour accroître la visibilité, faire évoluer une carrière ou trouver une nouvelle occasion professionnelle. Et c’est vrai : des relations professionnelles solides peuvent ouvrir des portes, favoriser la collaboration et offrir des perspectives utiles pour progresser.  De nos jours, nous associons souvent le travail en réseau aux médias sociaux.  Des plateformes telles que LinkedIn ont élargi notre champ d'action, facilitant les contacts avec de nombreuses personnes à la fois.  Mais si les outils ont évolué, les fondements n'ont pas changé.

 

Pourtant, le travail en réseau peut avoir un poids émotionnel. Pour de de nombreux·ses professionnel·les , en particulier dans les systèmes façonnés par la hiérarchie ou la transition constante, tendre la main peut sembler gênant, performant ou épuisant. C'est pourquoi il vaut la peine de redéfinir le travail en réseau non pas comme une autopromotion, mais comme une construction de relations fondée sur la générosité, l'objectif commun et le respect mutuel.

Au fond, le travail en réseau reste une question de connexion et de confiance.  Ces liens se construisent grâce à des efforts partagés au fil du temps et des projets, parfois autour d'un café ou d'un simple message.  Il s'agit de relations qui soutiennent non seulement votre carrière, mais aussi votre clarté, votre confiance et votre croissance.

 

Dans un monde qui récompense souvent l'urgence et la visibilité, le travail en réseau reste un travail de longue haleine.  Il ne s'agit pas de se vendre. Il s'agit de rester en contact d'une manière qui semble réelle, pertinente et durable, en particulier dans les fonctions où le changement est la norme.

 

Repenser le réseautage

 

Bien que le travail en réseau soit essentiel, plusieurs personnes hésitent encore lorsqu’elles entendent ce mot. Il peut mettre mal à l’aise, en particulier celles qui ne sont pas naturellement extraverties. Le travail en réseau peut sembler transactionnel, performant ou comme quelque chose que l’on est censé "faire" plutôt que quelque chose que l’on peut véritablement construire. Si telle est votre réaction, vous n’êtes pas seul·e et vous n’avez pas tort de vous interroger. Mais le problème n’est peut-être pas la mise en réseau en tant que telle. C’est peut-être la version du travail en réseau que vous avez à l’esprit qui est en cause. Le travail en réseau n’est pas une question d’autopromotion, de visibilité constante ou d’accumulation de contacts. Il s’agit de construire des relations professionnelles au fil du temps, des relations fondées sur un objectif commun, un respect mutuel et des échanges significatifs. Cela peut commencer par une conversation à l’issue d’une table ronde ou par un message sur LinkedIn, mais ce qui fonctionne, c’est la constance et l’attention.

 

Liens forts et faibles

 

Votre réseau ne se limite pas aux personnes avec qui vous travaillez étroitement, à vos proches ou aux membres de votre famille.   Les recherches du sociologue Mark Granovetter soulignent l'importance des "liens faibles", ces connexions plus légères avec des connaissances, d'anciens collègues ou des personnes avec lesquelles vous interagissez moins fréquemment. Bien qu'ils puissent ne pas faire partie de votre cercle intime, les liens faibles donnent souvent accès à des perspectives, des informations et des opportunités sur lesquelles votre cercle le plus proche n'a pas de visibilité.

 

Mais pour bien comprendre la structure d'un réseau professionnel solide, il faut aller au-delà de l'opposition entre "fort" et "faible".  Les recherches de l'anthropologue Robin Dunbar suggèrent que les êtres humains entretiennent naturellement des relations sociales en couches, chacune ayant son propre rythme et son propre niveau de proximité émotionnelle.  Ce n'est pas une question de préférence, c'est la façon dont notre cerveau et notre bande passante ont tendance à fonctionner.

 
Image : Nombre de Dunbar par Tobias Klein Gunnewiek, sous licence CC BY-SA 3.0.

 

Dans un contexte professionnel, ces couches pourraient ressembler à ce qui suit :

  • Cercle principal (5 à 15 personnes) : Les personnes avec qui vous travaillez de près, vos ami·es de confiance ou les membres de votre famille – celles vers qui vous vous tournez régulièrement pour obtenir des renseignements, du soutien ou des éclaircissements.

  • Cercle proche (environ 50 personnes) : Personnes avec lesquelles vous avez travaillé directement ou de manière significative. Vous connaissez le travail de l'autre et il y a une familiarité et une confiance mutuelles.

  • Réseau étendu (jusqu'à 150+) : Connaissances, anciennes personnes collaboratrices ou contacts rencontrés dans des espaces communs : c’est là que se trouvent les liens faibles.

 

D’après mon expérience personnelle, j’ai constaté que les relations situées dans les cercles des 50 et 150 ont tendance à évoluer au fil du temps, les personnes peuvent s’en rapprocher ou s’en éloigner en fonction des circonstances de vie ou des contextes professionnels. En revanche, les relations du cercle rapproché (5 à 15 personnes) changent plus rarement. Ce noyau reste généralement stable, même si les échanges peuvent devenir moins fréquents.

 

Chaque couche est importante. Les liens forts offrent de la profondeur, de la confiance et du soutien. Les liens faibles apportent de l'ampleur, une nouvelle liste de contacts et plus comme un écosystème à plusieurs niveaux. La force de votre réseau ne réside pas seulement dans la proximité, mais aussi dans la diversité et la portée.

 

L'objectif n'est pas de rester en contact permanent avec tout le monde, ni de se développer à l'infini. Il s'agit de comprendre que les relations jouent des rôles différents à des moments différents et de rester ouvert à la connexion, même lorsqu'elle vient de la périphérie

 

Les principes clés du réseautage

 

Le travail en réseau n'est pas une question de chiffres. Il ne s'agit pas d'accumuler des contacts ou d'accroître la visibilité pour le plaisir. Au mieux, il s'agit d'établir des relations mutuelles, fondées et qui méritent d'être maintenues dans le temps.

 

Voici trois pratiques qui font la différence :

  1. La qualité plutôt que la quantité : Le travail en réseau consiste à trouver des personnes qui vous ressemblent, des compagnons de route (collègues, pairs, alliés) qui partagent le même parcours, qu'il soit personnel ou professionnel. Il s'agit d'identifier les personnes avec lesquelles vous pouvez construire quelque chose de significatif, où la relation est mutuellement enrichissante et fondée sur la confiance et le respect.

  2. La réciprocité est importante : Une mise en réseau authentique implique un soutien mutuel, et pas seulement la recherche de faveurs. Cherchez des moyens d'apporter une valeur ajoutée, que ce soit en partageant des ressources utiles, en amplifiant le travail de quelqu'un ou en apportant votre expertise. Et n'oubliez pas que vous apportez également de la valeur à la relation. Vous avez quelque chose à apporter.

  3. Respecter les limites :  Une communication réfléchie instaure la confiance et favorise les relations à long terme. Cela signifie qu'il faut tenir compte du temps, de la capacité et des préférences de chacun en matière de communication. Toutes les relations ne nécessitent pas un engagement constant. Des pauses respectueuses, des demandes claires et des suivis réfléchis aident les relations à rester équilibrées et enracinées dans l'attention mutuelle, et non dans la pression

 

En se concentrant sur la qualité, en pratiquant la réciprocité et en respectant les limites, le travail en réseau devient plus qu'un échange d'informations - il devient un moyen de cultiver un réseau de relations significatives et durables.

 

Mise en réseau dans le domaine du travail international et à impact social

 

Le travail en réseau dans le domaine de l'impact international et social est façonné par un réseau complexe et en constante évolution de relations entre les gouvernements, les organisations internationales, les groupes de la société civile, les partenaires communautaires, les donateurs et les spécialistes techniques. Pour naviguer dans ces espaces, il faut non seulement une expertise en la matière, mais aussi la capacité d'instaurer la confiance, de s'adapter rapidement et de communiquer au-delà des lignes de pouvoir, de la culture et du rôle.  Les personnes professionnelles de ce domaine changent souvent de rôle, d’institution et de pays. Les contrats à court terme, les missions tournantes, le financement par projet et les transitions de carrière font partie du paysage.

 

Ce mouvement est à la fois source d'opportunités et de tensions. Reconstruire son réseau toutes les quelques années peut entraîner une "fatigue du réseau" - l'épuisement silencieux lié au fait de devoir rétablir la confiance, la visibilité et les relations dans chaque nouveau contexte. Mais lorsqu'elles sont abordées avec détermination, ces transitions peuvent également renforcer la continuité, approfondir les liens intersectoriels et vous permettre de rester en contact avec les idées et les opportunités émergentes.

 

Et pour le personnel qui reste en place, qu'il s'agisse de personnel national, de personnel à long terme ou de personnel intégré dans les systèmes locaux - l'expérience est différente, mais pas moins exigeante. Ils sont souvent porteurs de la mémoire institutionnelle et de la continuité relationnelle d'un programme ou d'une organisation, tout en s'adaptant à une porte tournante de collègues, à des attentes changeantes et à de nouvelles dynamiques de pouvoir. Il en résulte un autre type de travail : l'effort permanent pour maintenir les liens et la cohérence à travers les cycles de transition.

 

Dans ce type de travail, rester en contact ne signifie pas seulement travailler en réseau pour être visible, mais aussi faire preuve de sensibilité culturelle, d'humilité et d'adaptabilité. Il est essentiel de comprendre les dynamiques locales, les normes de communication et les règles tacites d'engagement, en particulier dans les environnements interculturels ou multilingues.

 

Si les déménagements fréquents et les changements de système posent de réels défis, ils offrent également des perspectives. Au fil du temps, ils peuvent vous aider à construire un réseau solide qui a de la valeur au-delà des frontières, des rôles et des phases de votre carrière. Ce qui commence comme une relation de travail peut se transformer en une relation à long terme ancrée dans l'expérience partagée, le respect mutuel et la confiance.

 

Comment construire votre réseau : conseils pratiques

 
  1. Renforcez votre présence en ligne : Exploitez les plateformes de médias sociaux comme LinkedIn pour vous connecter avec vos pairs, rejoindre des groupes d'intérêt et partager votre travail ou vos idées. Une présence en ligne réfléchie vous permet de rester visible, pertinent et engagé dans votre domaine.

  2. S'adapter au monde hybride : La mise en réseau virtuelle est devenue essentielle en raison de sa portée mondiale et des réalités post-pandémiques. Participez à des webinaires, des conférences virtuelles et des discussions en ligne pour entretenir et développer votre réseau, où que vous soyez.

  3. Restez en contact de manière intentionnelle : La constance est importante. Relancez les personnes que vous rencontrez, envoyez-leur des notes d'appréciation, partagez avec elles des articles ou des ressources susceptibles de les intéresser, ou prenez simplement de leurs nouvelles.  Heidi Roizen appelle cette pratique "l'heure agressive", qui consiste à réserver une heure par jour à une action de proximité intentionnelle. Il s'agit de consacrer une heure par jour à des activités de sensibilisation intentionnelles, plutôt que de répondre à des demandes quotidiennes. En réservant ce temps à l'adresse , le travail en réseau devient un investissement proactif dans votre développement professionnel plutôt qu'une tâche à laquelle vous vous consacrez "quand vous avez le temps". Il ne s'agit pas d'une question de volume, mais plutôt de se manifester régulièrement par des actions modestes mais significatives.

    Si vous travaillez dans une organisation internationale, il est encore plus important de faire preuve d'intentionnalité en raison des transitions fréquentes, des changements d'équipes et des déménagements qui accompagnent le travail.

  4. Soyez patient : L'établissement de relations authentiques et significatives nécessite du temps et de la confiance. Évitez les interactions transactionnelles et concentrez-vous plutôt sur la compréhension mutuelle et les objectifs partagés. Comme l'explique Karen Wickre dans son livre Taking the Work Out of Networking, même 10 minutes par jour consacrées à l'envoi d'un simple "bonjour" peuvent avoir un impact durable. La constance et l'attention sont plus importantes que le choix du moment. Tendez la main bien avant d'avoir besoin de quoi que ce soit. Un simple message de suivi d'une présentation, d'un article ou d'une conversation commune peut maintenir une connexion vivante : L'établissement de relations authentiques et significatives nécessite du temps et de la confiance. Évitez les interactions transactionnelles et concentrez-vous plutôt sur la compréhension mutuelle et les objectifs partagés.

  5. S'engager au-delà du travail: Développez votre réseau en participant à des conférences, à des événements locaux ou à des discussions intersectorielles où les conversations sont plus détendues. Le bénévolat ou l'adhésion à des associations professionnelles peuvent également vous aider à nouer des liens de manière organique avec des personnes qui partagent vos valeurs et vos intérêts.

 

Le réseautage n'est pas une question de visibilité pour elle-même ; il s'agit d'entretenir des relations. Que ce soit en ligne ou en personne, que l'on soit proche ou éloigné, les relations les plus significatives sont celles que l'on entretient avec soin et non dans l'urgence. Au fil du temps, ces petits efforts deviennent la base d'un réseau qui soutient non seulement votre carrière, mais aussi votre sentiment d'utilité et d'appartenance à celle-ci.

 

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