Pourquoi les petits succès sont importants : transformer les avancées en motivation
Par Sophie Makonnen
Ce blogue porte sur la manière dont les petites victoires alimentent la motivation. Dans le domaine du développement international et de l’impact social, le succès est souvent lent et complexe. Les enjeux traités sont rarement simples : ils sont complexes, systémiques, profondément enracinés et ne se prêtent que rarement à des solutions rapides. Il faut parfois des mois, voire des années, pour constater les résultats concrets de ses efforts. Que l’on coordonne entre différents services, que l’on réponde aux attentes des bailleurs de fonds, que l’on plaide pour un changement de politique publique, que l’on offre de la formation, qu’on renforce les capacités locales ou qu’on gère de grands projets d’infrastructure, les progrès se font souvent sur plusieurs années et peuvent sembler intangibles.
Avec des tâches vastes et complexes, souvent assorties de priorités changeantes, il est facile de se sentir dépassé·e ou incertain·e quant à la façon de commencer. L’ampleur du travail peut être si impressionnante que même faire le premier pas semble ardu. Cela peut nuire à la motivation, surtout lorsque le résultat final ou les retombées concrètes paraissent lointains.
Comment rester motivé·e ? C’est ici qu’entre en jeu le concept des petits accomplissements, une approche qui vous aide à maintenir votre élan, même face à des défis de longue durée.
Les petits accomplissements : La clé pour créer de l’élan
Les petites réalisations peuvent significativement renforcer notre motivation et notre bien-être. Teresa Amabile et Steven Kramer, dans leur livre The Progress Principle: Using Small Wins to Ignite Joy, Engagement, and Creativity at Work, expliquent que le sentiment de réalisation est un moteur puissant de motivation. Connu sous le nom de « principe de progrès » (progress principle), leur recherche montre que même de petites avancées dans un travail porteur de sens peuvent créer un cycle positif : les petites réussites alimentent la motivation, encouragent de nouveaux progrès et facilitent l’engagement tout en aidant à surmonter les défis.
Ces petits accomplissements n'ont pas besoin d'être des succès d'envergure. ils peuvent aller de l’achèvement d’une simple tâche à la maîtrise d’une nouvelle compétence ou à la résolution d’un défi (grand ou petit). Ce qui est important dépend souvent de la perception de chacun !
Des études ont montré que le sentiment d’avancée est étroitement lié à la dopamine, un neurotransmetteur responsable de la motivation et de la récompense. Les études sur la motivation suggèrent que la dopamine est sécrétée non seulement lorsque nous accomplissons quelque chose de significatif, mais aussi lorsque nous anticipons le succès. Par exemple, accomplir une petite tâche, comme envoyer un courriel que vous aviez retardé entraîne la production de dopamine, renforçant l’idée que terminer des tâches procure une sensation de satisfaction. Lorsque vous constatez vos progrès, comme cocher une tâche sur votre liste, votre cerveau « anticipe » cette récompense satisfaisante, vous motivant à continuer et à rechercher d’autres réussites.
De petites actions, un grand impact
Cela s’aligne étroitement avec les travaux de Brian Jeffrey Fogg dans Changer sa vie : la méthode des Petites Habitudes où il souligne que la motivation augmente lorsque vous entreprenez des actions si petites qu’il est presque impossible d’échouer. Au lieu de bouleverser toute votre routine, Fogg recommande d’ancrer ces petites habitudes à quelque chose de familier.
Par exemple, après avoir fermé votre ordinateur portable à la fin de la journée de travail, vous pourriez faire des flexions de jambes ou étirer vos bras pendant 30 secondes. Cela crée un déclencheur naturel pour adopter des habitudes saines tout en renforçant des émotions positives, plutôt que de compter uniquement sur la force de volonté. Avec le temps, ces petites actions peuvent s’installer car elles permettent à un rythme de s’installer, permettant d’augmenter progressivement l’intensité ou la durée, jusqu’à ce que cela devienne une habitude.
De la même manière, l’approche de James Clear dans Un rien peut tout changer met en évidence la manière dont les petites victoires créent une motivation immédiate et aident à renforcer votre identité. Chaque petite action devient une preuve de la personne que vous êtes en train de devenir—par exemple, lire une page d’un livre renforce la conviction que vous êtes « le genre de personne qui lit. » James Clear insiste sur le fait que le suivi des progrès visibles, comme cocher une tâche sur une liste, consolide ce changement d’identité, rendant l’habitude plus susceptible de durer à long terme.
Au lieu de vous attaquer à l’écriture d’un projet entier ou à un rapport volumineux en une seule fois, décomposez-le en petites tâches réalisables. Par exemple, rédiger une seule section de la proposition ou organiser des données clés peut procurer un sentiment d’accomplissement, rendant la tâche globale moins intimidante.
Encore une fois, en reconnaissant constamment les petites réalisations, nous créons un cycle positif qui génère un élan, rendant chaque étape plus facile et nous gardant motivé·e·s pour atteindre un objectif futur.
Maintenez votre motivation tout au long de la journée
Une façon de conserver votre motivation est de concevoir votre journée comme une série de petits accomplissements. En abordant vos tâches sous forme de morceaux gérables, vous pouvez maintenir des niveaux constants de dopamine et d’énergie tout au long de la journée.
Certaines personnes s’épanouissent en décomposant les grandes tâches en quelques étapes clés, en se concentrant sur des points d’avancement significatifs qui les guident à travers le processus d’autres préfèrent des actions courtes et rapides, comme écrire un seul paragraphe ou organiser un ensemble de notes, car ces petites réussites procurent une gratification immédiate et aident à créer un élan.
Vous pouvez renforcer votre motivation en suivant visuellement vos progrès, afin que vos petites réussites deviennent des preuves indéniables de votre avancement.
La clé est d’expérimenter et de trouver ce qui fonctionne le mieux pour vous.
Les efforts invisibles
Toutes les avancées ne sont pas visibles. Toutes les victoires ne font pas de bruit. En réalité, certains des mouvements les plus significatifs se produisent en coulisses — de façon discrète, constante, sans reconnaissance extérieure. Et pourtant, dans bien des cultures de travail, seuls les résultats les plus visibles — le rapport publié, le financement obtenu, les livrables atteints — ont tendance à être reconnus.
Mais qu’en est-il des efforts nécessaires pour créer un alignement au sein d’une équipe sceptique ? Du mentorat patient d’un·e collègue débutant·e ? Du travail émotionnel pour se préparer à une conversation difficile ou traverser un revers sans sombrer dans le doute de soi ?
Ce sont des étapes cruciales, qui font partie intégrante de votre travail et sont essentielles à votre réussite. Non seulement elles sont souvent ignorées par les autres — mais elles peuvent aussi être minimisées ou tenues pour acquises… même par soi-même. Pourtant, ces gestes comptent.
Si vous avez déjà terminé une journée avec l’impression d’avoir tout donné, sans rien avoir à « montrer » (même juste à vos propres yeux), faites une pause. Posez-vous ces questions :
• Quelles conversations ai-je menées avec attention aujourd’hui ?
• Qu’est-ce qui ne s’est pas écroulé parce que je l’ai géré discrètement ?
• Quelle énergie ai-je apportée dans l’espace, même si personne ne l’a soulignée ?
Ce ne sont pas des détails mineurs. Ce sont des preuves d’intégrité et de leadership, même si elles ne figurent pas dans une évaluation trimestrielle.
Vous pourriez envisager de créer un inventaire personnel de ces victoires invisibles. Il n’a pas besoin d’être compliqué. Une ligne dans un journal. Quelques notes à la fin de la semaine. Un mémo vocal après un appel difficile. L’essentiel est de nommer ce qui passe autrement inaperçu.
Une stratégie personnelle pour les jours de procrastination
Il y a quelques années, avant de découvrir les concepts décrits dans Changer sa vie : la méthode des Petites Habitudes et Un rien peut tout changer, j’ai mis au point une stratégie pour avancer sur ma liste de tâches, surtout lorsque j’avais du mal à me concentrer : je commençais par les tâches qui me plaisaient. Ces livres n’avaient pas encore été publiés et mon approche était donc intuitive.
Au début, je me sentais coupable d’avoir cette approche, pensant que c’était irresponsable de ne pas m’attaquer immédiatement aux tâches les plus importantes. Mais j’ai appris quelque chose d’important : lors de ces journées, où la procrastination ou la surcharge prenaient le dessus, me forcer à plonger directement dans les tâches les plus importantes se retournait souvent contre moi. J’avais du mal à avancer, je progressais à un rythme de tortue ou je produisais un travail peu inspiré et manquant de créativité. Pour le dire gentiment, ce n’était pas du très bon travail. Résultat : je restais bloquée, je me sentais improductive et je terminais la journée déçue de ne pas avoir accompli ce que j’espérais.
En revanche, commencer par quelque chose qui me plaisait,même si c’était une tâche mineure ou moins prioritaire, me donnait un sentiment d’accomplissement et me permettait de m’appuyer sur cette émotion positive. Ce sentiment de progrès, même petit, créait l’élan nécessaire pour m’attaquer aux tâches plus importantes de ma liste.
Aujourd’hui, lorsque je remarque que je traverse une de ces journées, je me permets de commencer par ce qui m’intéresse. La plupart du temps, cette petite « victoire » me donne l’énergie et la concentration nécessaires pour affronter même les tâches que je trouve plus difficiles. Je fixe désormais une limite de temps pour ces tâches que je préfère faire en premier. Au lieu de forcer la motivation, je m’appuie sur des actions gérables et gratifiantes.
Cette approche m’a appris que la productivité ne consiste pas toujours à suivre rigoureusement une règle de « priorité d’abord », mais plutôt à trouver des moyens de raviver la motivation et de me préparer au succès, une étape à la fois.
Comment utiliser la méthode des petits progrès dans le quotidien
Voici comment mettre ce principe en pratique et transformer les accomplissements en motivation :
1. Fractionnez vos objectifs en étapes réalisables
Les grands objectifs peuvent sembler abstraits ou lointains. Pour avoir de l’élan, identifiez la plus petite étape possible qui vous semble réalisable. Au lieu de “terminer le rapport”, votre petite victoire pourrait consister à rédiger l’introduction ou à organiser vos notes. Ensuite passer à la prochaine étape.
2. Faites le suivi et marquez chaque étape franchie
N’attendez pas d’avoir atteint l’objectif final pour reconnaître chaque accomplissement. Les repères visuels, comme une série de jours consécutifs marqués sur un calendrier ou une case cochée, renforcent votre sentiment de progrès. Ces repères deviennent satisfaisants et servent de rappels de votre assiduité et du fait que vous êtes sur la bonne voie, ce qui vous motive à maintenir votre rythme.
Pratiques quotidiennes d’ancrage
Si les petites victoires sont le carburant, alors les pratiques d’ancrage quotidiennes sont le système qui permet à ce carburant de circuler.
Rester connecté·e aux progrès, surtout lorsqu’ils sont progressifs ou relationnels, exige de l’intention. Autrement, les journées peuvent devenir floues, les efforts passer inaperçus, même pour soi-même. Ces petites pratiques ne visent pas à en faire plus, mais à remarquer davantage, afin de demeurer en lien avec son propre élan — même lorsque le rythme est lent, la visibilité faible ou que le système ne reflète pas ce que vous avez investi.
Voici quelques façons d’ancrer votre journée dans le progrès :
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Au lieu de vous concentrer uniquement sur ce qui reste à faire, terminez votre journée par une courte liste de ce que vous avez accompli même les choses calmes ou invisibles. Ce courriel que vous avez enfin envoyé. Cette pause réfléchie lors d’une réunion tendue. Cette limite que vous avez respectée. Tout cela compte
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Commencez par une intention : Quelle est la chose que je souhaite faire avancer aujourd’hui ?
Terminez par une brève réflexion : Qu’est-ce qui a bougé, ne serait-ce qu’un peu ?
Cela vous garde en lien avec le mouvement, pas seulement avec les étapes franchies. -
Utilisez des listes à cocher, un calendrier, des pense-bêtes ou des outils numériques pour rendre vos progrès visibles. Pas pour la performance, mais comme rappel concret et personnel que vos efforts portent fruit. Cette visibilité est importante, surtout lorsque votre travail est de nature relationnelle ou à long terme.
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Plutôt que d’essayer de forcer à tout prix, accordez-vous la permission de commencer petit. Engagez-vous à consacrer seulement cinq minutes à la tâche devant vous, sans pression de terminer ou de bien faire. Cela peut être aussi simple qu’ouvrir le fichier, rédiger une première phrase brouillon ou organiser vos notes. Cinq minutes, c’est assez court pour sembler faisable, même lors des journées difficiles, mais assez long pour amorcer un élan. Vous êtes libre d’arrêter après cinq minutes, mais il y a de fortes chances que vous continuiez. L’objectif, ce n’est pas de terminer, c’est de commencer.
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Posez-vous la question : De quoi suis-je fier·ère aujourd’hui ?
Pas nécessairement de la plus grande tâche, mais de celle qui vous a demandé de grandir. Ce moment de calme, de clarté ou de courage qui a compté, même si personne d’autre ne l’a remarqué.
3. Réévaluez vos progrès lorsque les plans dévient de leur trajectoire
Parfois, les plans changent ou des obstacles surviennent. Dans ces moments-là, vous pouvez toujours progresser en redéfinissant ce à quoi le succès ressemble. Il ne s’agit pas de réduire vos attentes, mais d’accepter et d’apprécier les progrès sous différentes formes. Au lieu de vous concentrer sur ce qui n’a pas été accompli, réévaluez ce qui a été prévu et déterminez ce qui doit être ajusté pour atteindre votre objectif.
Demandez-vous : « Quels accomplissement ai-je faits aujourd’hui ? » - « Que dois-je faire pour atteindre mon objectif ? »
Les changements ou les imprévus, comme des retards de financement ou des changements de politique, sont courants dans le travail de développement international. Lorsque cela arrive, il est important de réévaluer ce qui est réalisable et d’adapter votre plan sans perdre de vue l’objectif à long terme. Les petites victoires pendant les contretemps peuvent signifier la re-priorisation des tâches ou la négociation réussie d’un nouveau calendrier avec les parties prenantes.
Les avancées et non la perfection
Il n’est pas nécessaire d’attendre de vous sentir prêt·e à 100 % pour commencer. La motivation suit souvent l’action, et non l’inverse. Accomplir une petite étape significative favorisera l’énergie et la confiance dont vous avez besoin pour continuer à avancer.
Si vous avez un projet important à accomplir cette semaine, essayez l’approche des « petits accomplissements ». Choisissez une action simple que vous pouvez réussir aujourd’hui et observez comment ce sentiment de progrès alimente votre prochaine étape.
En ancrant votre travail dans de petites réussites, vous créez une motivation qui vous permet de progresser régulièrement, même lors des journées les plus exigeantes.
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