Quand la frustration se fait sentir… stop
Par Sophie Makonnen
Faire face à la frustration sans affaiblir son leadership
Nous l’avons tous déjà vécu, n’est-ce pas ? Une personne lance une remarque acerbe lors d’une réunion, ou un courriel semble sec ou injuste. Soudainement, on se sent irrité. Il est tentant de réagir sur-le-champ pour se défendre ou rétablir les faits. Réagir rapidement peut donner l’impression de reprendre le contrôle, mais cela peut aggraver la situation. Nos mots peuvent paraître plus durs que prévu, notre courriel plus froid et un petit malentendu peut vite dégénérer.
Lorsqu’on occupe un poste de direction, la manière dont on traite les situations d’agacement est tout aussi cruciale que nos compétences. L’un des meilleurs outils consiste à s’accorder une pause, non pas sur une période de plusieurs heures ou plusieurs jours, mais plutôt sur quelques minutes. Cela permet de retrouver son calme, de réfléchir clairement et de s’exprimer avec assurance.
Pourquoi l’irritation nous pousse à réagir trop vite
L’irritation nous pousse à agir rapidement. Elle nous incite à réagir sur-le-champ non pas parce que c’est nécessaire, mais parce que la rapidité donne une impression de puissance. Réagir vite peut sembler être une manière de reprendre le contrôle.
L’irritation est une émotion envahissante. Elle rétrécit notre champ d’attention et fait que les choses nous paraissent plus urgentes qu’elles ne le sont en réalité. C’est pourquoi on peut parfois dire quelque chose de tranchant en réunion ou envoyer un courriel trop rapidement. Cette précipitation vient de l’irritation plutôt que de la situation en elle-même. Parfois, elle transporte aussi la peur qu’une pause soit perçue comme une perte : de son point de vue, de ses habitudes, de sa certitude ou de son pouvoir.
Comme je l’ai écrit dans Les émotions sont des données : comprendre ses émotions pour un leadership affirmé , les émotions sont des signaux qui nous indiquent que quelque chose compte. L’irritation est l’un de ces signaux. Faire une pause ne revient pas à l’ignorer, mais à éviter qu’elle prenne le contrôle de notre réaction.
Les individus en position d’autorité doivent savoir distinguer ce qui est vraiment urgent de ce qui ne l’est pas. Certaines situations exigent une réponse immédiate, tandis que d’autres peuvent attendre. Réagir rapidement peut donner l’impression de détermination, mais peut aussi être perçu comme défensif ou fermé. Bien que cela puisse sembler être une manière assertive de défendre sa position, cela peut également être perçu de l’extérieur comme une perte de contrôle.
Ce que quelques minutes de pause permettent
Prendre une pause ne fait pas disparaître l’irritation, mais cela change la manière dont on la gère. En attendant un petit moment, on passe d’une réaction impulsive à une réponse réfléchie. Ces quelques minutes permettent de trouver les mots justes pour exprimer sa pensée profonde.
Cela correspond à ce que j’ai écrit dans un blogue précédent, intitulé Écouter : une compétence en communication qui en dit long . J’y soulignais que souvent nous écoutons pour répondre plutôt que pour comprendre. Une pause courte peut renverser cette tendance en créant un espace pour écouter véritablement avant de décider comment répondre.
Dans une conversation, une pause est un indicateur de présence. Au lieu de répliquer sur-le-champ, on peut simplement prendre une inspiration, noter une idée ou laisser passer un court silence. Ce que les autres perçoivent, ce n’est pas de l’hésitation, mais du calme : l’impression que l’on pèse ses mots au lieu de se laisser emporter par l’émotion du moment.
Dans un courriel, la pause est encore plus évidente. Si l’on rédige une réponse puis qu’on la relit quelques minutes plus tard, on peut réaliser que le ton est plus sec qu’on ne le voulait ou que le message pourrait être mieux équilibré. Envoyer le courriel après cette relecture permet une réflexion et est généralement mieux reçu. Si le temps le permet, on peut même attendre quelques heures ou jusqu’au lendemain avant d’envoyer le message. On pourrait être surpris·e de constater à quel point le ton change après cette distance. La pause n’est pas une esquive. C’est une forme d’autorité : une façon simple de montrer que l’on agit avec intention.
Comment pratiquer la pause
Il peut sembler facile de prendre une pause lorsqu’on commence à se sentir irrité, mais dans le feu de l’action, ce n’est pas toujours évident. Essayez d’intégrer de petites habitudes qui vous aideront à ralentir avant de parler ou d’envoyer un message.
• Au cours des réunions, prenez une gorgée d’eau, notez une idée rapidement ou posez une question pour éclaircir un point. Ces gestes vous donnent quelques secondes de plus et montrent que vous êtes engagé·e. Si l’irritation augmente, vous pouvez dire : « C’est un point intéressant. Laissez-moi y réfléchir un instant. » Cela montre que vous êtes réfléchi·e plutôt que réactif ou réactive.
• Lorsqu’il s’agit de répondre à un courriel, rédigez votre réponse, puis enregistrez-la comme brouillon. Surtout ne l’envoyez pas. Relisez-la après quelques minutes et ajustez le ton. Si le sujet est délicat, attendez un peu plus longtemps avant de l’envoyer, ou même jusqu’au lendemain si c’est possible.
• Si vous êtes dans une conversation et ne pouvez pas vous retirer, concentrez-vous sur votre respiration pendant que l’autre personne parle. Expirer lentement peut vous aider à vous recentrer avant de répondre.
Le but n’est pas de cacher votre irritation (je ne recommande en aucun cas un éclat et le respect devrait toujours demeurer au cœur de l’échange), mais d’empêcher qu’elle prenne le contrôle. Ces petites pauses vous donnent plus d’espace pour répondre avec confiance et clarté.
L’irritation occasionnelle fait partie du leadership. On ne peut pas l’éviter et il ne faut pas faire semblant qu’elle n’existe pas. Ce qui compte, c’est ce que vous en faites. Une réaction immédiate peut sembler satisfaisante sur le moment, mais elle peut aussi laisser des traces négatives. Une pause de quelques minutes, quelques heures ou même une journée, si le temps le permet, donne à l’irritation l’occasion de se calmer et permet à la clarté de prendre le relais.
En définitive, ce n’est pas la rapidité qui est importante, mais la constance. Une pause bien placée permet à votre réponse de demeurer en accord avec vos valeurs et votre autorité, même dans les situations les plus difficiles.
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