Fais entendre ta voix. Prends ta place. Affirme ton leadership
Par Sophie Makonnen
Votre opinion compte, même si vous n’êtes pas la personne la plus expérimentée dans la pièce. N’hésitez pas à prendre la parole
Il est facile de se remettre en question dans des situations où l’expérience est fortement valorisée, surtout lorsque le doute ou le syndrome de l’imposteur émerge en raison de l’âge, du niveau d’expérience ou de la hiérarchie. Cela peut être particulièrement difficile dans les domaines tels que le développement international, où l’expertise et la structure hiérarchique jouent un rôle important. Parler alors qu’on cherche toujours sa place peut donc s’avérer intimidant.
Il ne s’agit pas seulement d’avoir confiance en soi, même si cela peut vous aider. C’est plutôt une question de reconnaître pleinement votre place, même si la hiérarchie suggère que vous ne l’avez pas encore gagnée.
Vos idées, votre perspective et votre expérience ont de la valeur. Garder le silence et attendre de vous sentir tout à fait prêt·e ou légitime ne fait que retarder le leadership que vous êtes déjà en mesure d’exercer.
La crédibilité ne dépend pas uniquement des connaissances ou de l’expérience. Elle émerge plutôt de l’engagement actif.
Le mythe de la préparation
On se dit souvent : « Quand j’en saurai plus, que j’aurai plus d’expérience ou que je me sentirai plus confiant·e, je prendrai la parole. » Mais voici la réalité : attendre ce moment peut nous garder figé·e·s. Croire qu’on doit se sentir parfaitement prêt·e avant d’avancer crée une illusion de sécurité qui maintient bien trop de personnes brillantes et compétentes dans l’ombre.
Dans des secteurs où l’expertise est valorisée, comme le développement international, il est facile d’intégrer l’idée que seules les voix les plus expérimentées méritent d’être entendues. Pourtant, la croissance et le leadership prennent racine lorsque l’on sort de sa zone de confort. La confiance ne précède pas nécessairement l’action. Elle en découle souvent. Je sais qu’il peut s’agir d’un saut dans l’inconnu. Mais souvenez-vous : vous avez été recruté·e pour une raison. Vous avez franchi un processus de sélection rigoureux. Votre présence ici n’est pas le fruit du hasard.
Et parfois, ce n’est même pas un sentiment d’impréparation. C’est simplement que nous ne reconnaissons pas le chemin parcouru. Nous banalisons nos connaissances et sous-estimons nos compétences, oubliant que ce qui nous semble élémentaire peut représenter une contribution précieuse pour d’autres. Lorsque nous sommes trop proches de notre propre expérience, nous avons tendance à la minimiser. Ce doute discret, celui qui murmure : « Je n’ai pas encore assez accompli », relève souvent plus de la perception que de la réalité.
Si vous avez déjà hésité parce que tout ne semblait pas « parfait », sachez que vous n’êtes pas seul·e. Comme je l’ai partagé dans mon article de blogue sur les standards élevés et le lâcher-prise face au perfectionnisme, nous confondons souvent l’excellence avec le besoin de tout faire sans faute. Cette mentalité nous pousse à attendre un moment insaisissable où nous nous sentirons totalement prêt·e. Or, la perfection n’est pas le prix à payer pour participer. Se présenter tel·le que vous êtes, apprendre en chemin, n’est pas seulement valable. C’est essentiel.
Agir avant de se sentir entièrement prêt·e permet de développer quelque chose d’encore plus précieux que la certitude : la résilience. Chaque fois que vous avancez malgré l’inconfort, vous renforcez votre capacité à composer avec l’incertitude. Vous ne vous contentez pas de contribuer. Vous vous entraînez à vous adapter, à évoluer et à exercer un leadership dans le changement.
L’expérience ne précède pas toujours l’opportunité. Bien souvent, elle naît précisément du moment où vous décidez de dire oui malgré tout.
La valeur que vous apportez (même sans toutes les années d’expérience)
S’exprimer en réunion ou partager votre opinion au sein d’un groupe de collègues plus expérimentés peut être intimidant, surtout lorsque vous êtes nouveau dans un domaine ou au début de votre carrière. Il est facile de se sentir insignifiant, de penser que votre opinion est moins valable parce qu’elle n’est pas fondée sur des décennies d’expérience.
Cependant, l’expérience n’est pas la seule forme de valeur. Vous apportez une contribution unique et précieuse, souvent insaisissable par les organisations, faute de savoir comment l’identifier ou l’inviter.
Vous apportez un regard neuf.
Vous posez des questions essentielles que d’autres ont cessé de poser. Vous mettez en évidence des angles morts et des lacunes, précisément parce que vous n’avez pas encore été formaté pour les ignorer. Vous transmettez des connaissances tirées du terrain, des communautés et de votre expérience. Vous apportez une intuition culturelle, une grande capacité d’adaptation et une manière unique d’établir des liens que d’autres ne perçoivent peut-être pas.
L’innovation ne découle pas nécessairement de l’expérience. Elle découle souvent d’un regard nouveau. Et votre voix, surtout lorsqu’elle est accompagnée de curiosité et de préparation, peut enrichir les échanges, remettre en question les idées préconçues et ouvrir de nouvelles perspectives.
Si vous hésitez à contribuer parce que vous pensez ne pas avoir assez d’expérience, souvenez-vous de ceci : vos idées ont de la valeur, peu importe le nombre d’années sur votre CV. Ce que vous apportez compte dès aujourd’hui. Prenez votre place. Donnez aux autres la chance de découvrir la richesse de votre regard, façonné par vos apprentissages, votre parcours et votre perspective unique.
Avance avec ce que tu as maintenant
Chaque fois que vous décidez d’exprimer votre point de vue, d’agir malgré des appréhensions, vous ne progressez pas seulement en tant qu’individu. Vous démontrez également à autrui vos capacités. C’est là toute l’importance de la notion de « visibilité ».En effet, comme je l’ai abordé dans mon article de blogue consacré au mérite, la visibilité ne devrait jamais être considérée comme une simple récompense pour un travail bien fait. Au contraire, elle constitue bel et bien une composante essentielle de tout processus productif. Si vous persistez à effectuer des tâches remarquables en gardant le silence, il est possible que votre entourage ne découvre jamais l’étendue de vos capacités. Votre voix, vos questions et vos contributions sont ce qui permet aux autres de remarquer votre présence et de reconnaître votre potentiel.
Cela ne veut pas dire pour autant que vous devez être bruyant·e ou impulsif·ve. L’écoute reste cruciale. Dans un autre article sur l’écoute, j’explorais justement en quoi le discernement constitue une compétence clé du leadership réfléchi. Avant de parler, prenez le temps de bien comprendre le contexte. Est-ce le bon moment, le bon endroit, le bon sujet ? Cela démontre une attention particulière, plutôt qu’une crainte exagérée. Notre objectif n’est certainement pas de museler votre sens critique, mais plutôt de favoriser des échanges constructifs. C’est cette petite voix intérieure, critique et insistante, qui vous murmure que vous n’êtes pas prêt·e ou que vous n’avez pas votre place. Ce n’est pas à cette voix de prendre les rênes.
Selon Tara Mohr dans Playing Big, « La voix du critique intérieur est souvent sévère, culpabilisante, remplie de “tu devrais” ou de “tu ne devrais pas”. Son ton est anxieux et contrôlant. » Cette voix apparaît souvent au moment précis où vous êtes sur le point de grandir. Non pas parce que vous n’êtes pas bien préparé·e, mais parce que vous entrez dans une expérience significative. La nommer, c’est une façon de vous enraciner dans votre puissance plutôt que de vous en éloigner.
Il est important de pratiquer et de sortir de sa zone de confort. Ce processus ne sera pas toujours fluide et vous ferez peut-être des erreurs ou devrez vous recentrer. Mais chaque pas que vous ferez renforcera votre visibilité, votre confiance et votre résilience. Non seulement vous montrez aux autres qui vous êtes, mais surtout, vous apprenez à vous connaître davantage.
Il est également vrai qu’on prend plus de risques quand on se sent en sécurité. Dans des milieux où les gens se sentent valorisés, aidés et autorisés à commettre des erreurs sans en éprouver de gêne, il est nettement plus aisé de s’exprimer, de proposer une idée ou de la contester. Ce n’est pas nécessairement un signe de plus grande confiance en soi. Cela reflète souvent un espace plus sécurisant. Si vous avez eu tendance à communiquer plus facilement dans certains endroits plutôt que dans d’autres, il est possible que ce soit le contexte qui influence votre expression, et non pas vous-même.
Et si être “prêt·e” était une décision ?
J’ai moi-même connu cette tension entre ne pas me sentir prête et être encouragée à avancer. La courbe d’apprentissage a été particulièrement abrupte lors de mon tout premier rôle de cheffe d’équipe. Je devais superviser les opérations de développement tout en coordonnant à la fois avec les représentant·es gouvernementaux et les équipes internes au siège. Je devais jongler avec plusieurs responsabilités, et on continuait de m’en confier encore plus. C’était précisément la sorte de scénario auquel on pense quand on affirme : « Si vous voulez qu’une tâche soit accomplie, confiez-la à une personne extrêmement occupée. »
Un poste de direction plus élevé s’est ouvert et plusieurs collègues m’ont encouragée à postuler. J’ai répondu : « Je ne suis pas prête. » Ils insistaient, disaient que je l’étais. Pourtant, je n’ai pas bougé. Et pour être honnête, je ne l’ai pas regretté. Lorsque la personne sélectionnée a commencé son travail, je me suis sentie soulagée d’avoir fait le bon choix. Je n’étais pas prête… pas encore.
Deux ou trois ans plus tard, un poste de direction semblable s’est présenté. Une fois de plus, mes collègues m’ont incité à postuler, affirmant que je serais idéalement qualifiée pour ce rôle. Cette fois, quelque chose avait changé. Bien que j’aie toujours eu des appréhensions, j’ai commencé à avoir davantage confiance, même en sortant de ma zone de confort. J’ai donc décidé de prendre le risque. J’ai obtenu le poste. Et ce rôle est devenu un tremplin vers celui qui a suivi, un poste pour lequel, à bien des égards, je ne me sentais pas prête non plus.
Je n’ai pas eu deux ou trois ans pour construire ma confiance. J’ai eu dix-huit mois. Effectivement, lorsque l’opportunité suivante se présenta, je n’hésitai pas à me lancer. En toute franchise ? Je ne me sentais pas du tout prête. Pourtant, j’ai dit oui quand même. À ce moment-là, j’ai compris que se sentir prêt ou prête ne dépend pas toujours de la liste de critères remplis. Parfois, il suffit d’accepter de se lancer et de s’épanouir dans son rôle, non pas avant, mais pendant l’expérience.
Et si vous preniez la parole quand même ?
Il arrive qu’on se taise ou qu’on se retienne non pas par manque de confiance ou désir de perfection, mais par crainte d’être jugé. On hésite à s’exprimer parce qu’on s’inquiète de l’image qu’on projette, de la qualité de nos idées, de l’impression qu’elles semblent naïves ou mal comprises. Dans ces cas-là, on opte pour le silence, non pas parce qu’on n’a rien à dire, mais parce que cela semble moins risqué.
Et pourtant, il y a une ironie dans tout ça : la plupart des gens ne nous observent pas autant qu’on le pense. Ils sont occupés à gérer leurs propres doutes. Plusieurs se demandent en silence comment on les perçoit durant les réunions, les présentations ou les discussions en groupe. Cela veut dire que la pression que nous ressentons… est souvent une illusion.
Et oui, certaines personnes nous jugent. Il y a celles qui colportent des rumeurs, qui se nourrissent de comparaisons ou qui se sentent fortes en rabaissant les autres. Chaque milieu de travail en compte, surtout dans les environnements hiérarchiques et à haute pression. Cependant, il faut admettre que, probablement, certains individus trouveront toujours quelque chose à redire, peu importe vos actions. Que vous soyez réservé, assuré, bien préparé ou même en train d’apprendre, ils auront toujours un avis.
Alors, que personne ne vous observe ou que quelqu’un vous juge, autant prendre la parole quand même. Votre opinion est importante et elle devrait être prise en compte. Il ne revient pas à votre critique intérieure ni aux jugements des autres de prendre toute la place.
D’une certaine façon, c’est libérateur. Cela nous autorise à essayer, à nous exprimer de manière imparfaite et à être présent·e, même dans l’incertitude. Les personnes dont on craint le jugement sont souvent prises dans leur propre critique intérieure.
Alors, au lieu de laisser la peur d’être vu·e vous rendre invisible, rappelez-vous ceci : vous n’avez pas à être parfait·e ni intrépide pour participer. Vous avez simplement besoin d’être là, et d’oser contribuer malgré tout.
Je ne vous parle pas d’une idée abstraite, je vous parle d’expérience. Il m’est arrivé de me taire parce que je pensais que mon opinion n’intéresserait personne, ou pire, qu’elle serait considérée comme ridicule. Finalement, quelqu’un exprimait les mêmes idées que moi, et subitement, cela paraissait judicieux. J’avais raté une occasion : non seulement celle d’être écoutée, mais aussi celle de faire confiance à mon intuition.
J’ai aussi vécu ces moments où j’ai osé parler, même si mon cœur battait trop vite et que ma voix tremblait peut-être un peu. À l’intérieur, j’hésitais. Mais à l’extérieur, les mots sont sortis avec justesse. Et parfois, cette prise de parole a suffi à faire évoluer la dynamique d’une conversation. En écrivant ces lignes, certains de ces instants me reviennent en mémoire. Comme un rappel que le simple fait d’oser peut, en soi, faire toute la différence.
Ce n’est pas seulement une question d’expérience, c’est une question de contribution
Prenez un instant. Rappelez-vous la dernière fois où vous avez gardé le silence lors d’une réunion, d’une conversation ou d’un espace décisionnel. Qu’est-ce qui vous en a empêché·e ? Était-ce la peur de vous tromper, ou la sensation que vous n’aviez pas encore « gagné le droit » de vous exprimer ?
Il est facile de croire qu’il faut plus d’années d’études, de titres ou d’expérience avant de se sentir à l’aise de prendre de la place. Cependant, ce n’est souvent pas l’expérience qui nous fait défaut, c’est la permission. Et voici la vérité : personne d’autre que vous ne peut vous la donner. Vous n’avez pas besoin de plus de temps dans un rôle pour commencer à montrer vos capacités.
Vous n’avez pas à attendre de vous sentir totalement prêt·e. Vous pouvez commencer par de petites actions qui permettent aux autres de percevoir votre façon de penser, votre présence et votre capacité d’analyse.
Voici quelques façons concrètes de vous lancer : • Posez une question lors d'une réunion où vous seriez habituellement resté·e silencieux·se.
• Partagez une idée, même si elle est encore en train de se former. Il ne s’agit pas d’avoir toutes les réponses.
• N’attendez pas que tout soit parfaitement formulé avant de prendre la parole.
• Observez si votre réticence est due à la structure hiérarchique plutôt qu’à une réelle hésitation.
• Mettez en évidence verbalement la contribution des autres. Cela renforce leur voix, leur sentiment de connexion et leur confiance.
Vous n’avez pas besoin d’attendre d’avoir plus d’expérience pour être vu·e et entendu·e.
« Exprimez-vous, même si votre voix tremble. » — Maggie Kuhn (Traduction libre)